dimanche 16 août 2009

Boucherie

J'ai eu droit à l'expulsion naturelle de tout ça ce matin...

Vers 7h30, je me lève avec des crampes épouvantables... Moi qui ai généralement des crampes menstruelles à me rouler par terre, c'était encore pire, et juste comme je pensais avoir enfin atteint le sommet de la douleur, l'escalade repartait de plus belle, et l'intensité des crampes augmentait encore et encore...

Je vous jure. J'ai littéralement vomi de douleur.

Ça a duré un certain temps, et puis j'ai senti "ça" sortir: les fameux "débris" dont on nous parle tant quand on téléphone, toute inquiète, à info-santé... Ne vous méprenez pas, j'ai un profond respect pour les infirmières (et il doit aussi y avoir des infirmiers) qui font le travail téléphonique chez info-santé. En tout cas, moi personnellement je suis toujours tombée sur des personnes compréhensives, à l'écoute, généreuses de leur temps d'antenne. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi on me dit toujours qu'un saignement n'est pas si inquiétant, mais que s'il y a des débris, là, il faut aller à l'urgence... Quand il y a des débris, il est trop tard... non? Ça ne gagnerait pas à être un peu plus préventif, tout ça?

Alors donc, tout a sorti. Le placenta, et sûrement quelquepart là-dedans, un minuscule embryon de quelques cellules. Après la douleur a cessé, dieu merci. On a fait ça comme des grands, mon chum et moi, tous les deux tout seuls à la maison. J'étais bien plus confortable dans mon bain chaud pour calmer la douleur à me plaindre et dégobiller élégamment dans ma chaudière de plastique que je n'aurais pu l'être dans une salle d'attente d'urgence, de toute façon. Quand c'est fini, c'est fini.

Ben voilà, c'était ça.. la boucherie. Le sang un peu partout. Le teint blême, les voisins qui m'ont peut-être entendue gémir de douleur par la fenêtre ouverte. Dégueu, hein? J'ai hésité à mettre les détails ici, sur mon blog. Après tout, d'habitude, les gens se gardent une petite gêne... C'est drôle tout de même... On a la grippe, on le dit. On a la gastro, on le dit. On se retrouve à l'hôpital pour un infarctus, pour une crise d'asthme, ou n'importe quel autre genre d'incident... on en parle.

On va chez n'importe quel libraire, et on trouve de tout. Des livres sur les régimes, des livres sur l'alcoolisme, des "mon enfant ne dort pas bien", des "préparez-vous au grand amour", des "comment faire de l'argent sans travailler". On écrit sur à peu près tous les genres d'épreuves et d'étapes de la vie humaine... l'enfance, l'école, l'affirmation de soi, l'échec scolaire, l'orientation professionnelle, les problèmes de digestion, les migraines, le stress, l'urticaire, le burn-out, la dépression. Il y a de tout sur tout.

Et bien cet après-midi, n'arrêtant devant rien, je suis allée faire un tour au Renaud-Bray le plus près de chez-moi, dans l'espoir de me trouver un livre sur la perte précoce d'un bébé, ou à tout le moins sur l'infertilité.

Rien. Niet. Ni dans la section maternité, ni dans psychologie, ni dans le coin des encyclopédies médicales. J'ai vu sur le net quelques livres parus en europe, mais hé, pas des tonnes... À part un livre (non disponible au magasin où je suis allée) sur le deuil périnatal, pas un seul livre sur le sujet, ni sur la réalité physique des fausses couches, ni sur le vécu psychologique de ce genre de deuil... rien sur les fausses couches qui pourtant représentent statistiquement 20 à 25% des grossesses, à ce qu'on dit. C'est beaucoup, non? Et on continue de banaliser, de ne pas en parler, de se dire que ce n'est rien.

Je vais m'en remettre, c'est sûr, et je ne suis pas à l'article de la mort, mais ce n'est pas rien, et il faut que ça se sache. Que les femmes qui passent par là puissent plus librement savoir leur douleur reconnue et validée par leur entourage. Qu'on puisse vivre cette douleur plus sainement. Qu'on arrête de s'isoler par crainte de se faire servir des phrases vides.

C'est pour ça que j'écris.

Revenez me voir souvent, car dans les prochaines semaines, j'en aurai sûrement long à dire...

2 commentaires:

  1. Je me permets déjà d'ajouter un truc...

    Vous savez ce qui est le plus rushant, pour le moment? Le matin. Je redoute les matins...

    Quand j'étais enceinte, la nuit il m'arrivait de me réveiller en sursaut. J'ai rêvé à la fausse couche à quelques reprises. Et j'étais évidemment ravie de me réveiller et de constater que tout ça n'était qu'un vilain rêve...

    Hier nuit, j'ai rêvé que j'avais une belle bédaine bien ronde. Et en me réveillant, ça a fait "ah non, c'est vrai, c'est fini". C'est comme une rupture. Le matin on doit réapprendre la nouvelle à nouveau, matin après matin.

    Deux solutions: dormir tout le temps, ou ne plus dormir du tout :-S

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  2. Je suis très émue par cet article.
    J'ai moi aussi chercher de la "littérature" sur le deuil périnatal et j'ai fini par ouvrir mon blog... Je poursuis la lecture de ton blog...

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