dimanche 10 mai 2009

La première fois - prise 2

Monsieur X et moi, on a rompu.

Puis, Monsieur Y est arrivé. J'avais 28 ans.

Bien sûr, nous ne sommes pas passés à l'étape "bébé" immédiatement... non non, nous avons pris notre temps. Nous nous sommes fréquentés... puis nous avons vécu ensemble...

Et puis, Monsieur Y et moi avons été prêts. Nous avons alors débuté les essais.

Au bout de quelques mois à peine, je me mets à douter: j'ai les symptômes que je recherchais tant à chaque mois il y a quelques années... Après un test de grossesse négatif, puis un autre, puis quelques jours d'attente, je refais un test.

C'est positif!!!!

Je n'en reviens pas d'être enceinte, je n'en reviens pas que ça ait fonctionné si rapidement, je n'en reviens pas que la vie soit si bien faite finalement! La nouvelle évidemment nous remplit de bonheur et nous plonge dans un agréable tourbillon; téléphoner aux maisons des naissances, au médecin, à la famille et aux amis, imaginer où sera sa chambre, parler de noms, chantonner des berceuses le soir dans le lit. On est aux anges.

Pour moi, cette grossesse vient clore les années difficiles qui, je le crois sincèrement à ce moment-là, sont enfin derrière moi. La séparation d'avec mon ex, ce qui y a mené, la transition difficile, le déménagement, tout recommencer à zéro... Enfin la vie me laisse tranquillement profiter d'un bonheur bien mérité, elle arrête de me taper sur la tête, elle me dit: "allez, ce ne sera pas sombre pour toujours"... Pour la première fois depuis longtemps, il me semble que j'ai un avenir lumineux, un tout petit avenir de rien du tout qui fourmille dans mon bedon.

Avec mon copain, on achète un joli livre sur la grossesse, on essaie de calculer où bébé en est... d'après nos calculs, il est évidemment minuscule, mais il a déjà une petite langue, c'est fou, non?!!


***


Très peu de temps après, un soir, je sens que je commence à saigner... Puis ça s'intensifie... Je ne comprends pas pourquoi tout le monde à Info-santé me dit de ne pas m'inquiéter!! Je reste allongée, puis finalement je me transfère du divan jusqu'au lit.

Au milieu de la nuit, je me réveille avec une crampe horrible, j'ai du mal à me tenir debout, je suis blanche comme un drap, alors Monsieur Y m'emmène illico à l'urgence. Et là, on attend. Et on attend. Je finis par me faire examiner, et le médecin me laisse un peu d'espoir: il se pourrait que je ne le perde pas. On m'accroche à un soluté, et on me garde-là pour que je puisse passer une échographie à la première heure le lendemain matin.

Le fameux lendemain matin arrive enfin, je suis épuisée parce qu'évidemment, je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit. Dans mon esprit, une seconde je me dis que c'est fini, et la seconde d'après, je me dis que je dois m'accrocher, qu'il y a encore un peu d'espoir... et j'oscille comme ça, entre espoir et désespoir, toute la nuit.

A l'échographie, on ne voit rien. Rien du tout. C'est soit parce que j'ai déjà perdu le minuscule, soit parce que la grossesse est trop jeune et qu'il est trop petit. On me demande donc d'aller faire la file pour faire une prise de sang. Ils vont voir de quoi a l'air mon taux d'hormone de grossesse. On attend pour la prise de sang. On attend pour les résultats. Juste avant qu'on parte, un infirmier vient nous voir pour nous dire que notre résultat est prêt. Je suis à quelque chose comme 400 bhcg... c'est faible, mais ça peut correspondre avec le jeune âge de la grossesse...

Je n'oublierai jamais cet infirmier. Il m'avait dit, en me tendant le papier sur lequel était inscrit le résultat: "Madame, vous avez bel et bien été enceinte." Encore aujourd'hui, quand je me prends à avoir l'impression que tout ça n'a pas existé, c'est cette phrase qui me revient. Il a su voir que le plus douloureux pour moi, c'était que tout le monde fasse comme s'il n'y avait pas eu de grossesse, et de promesse de bébé.

Bref, quelques jours passent, et j'attends avec impatience le rendez-vous qui me permettra de savoir si oui ou non le taux de bhcg a progressé, bref, si je suis toujours enceinte. La veille de mon rendez-vous, je suis en voiture, et je sens que le saignement recommence. Je m'arrête à la sortie d'autoroute suivante, et je vais à la salle de bain dans un Tim Hortons. J'ai des crampes horribles, et effectivement, je saigne. C'est à ce moment que je réalise que c'est bel et bien fini. Je retourne chez-moi, et là, la fausse couche est bel et bien en cours... Ça n'a plus rien à voir avec un petit saignement. Je vous épargne quelques détails tout de même...

Ce sera ainsi pour 10 jours.

Je suis quand même allée à mon rendez-vous. On m'a fait une prise de sang, et on a refait une échographie. Dans la salle d'attente, plein de femmes avec de belles bedaines bien rondes attendaient pour voir la binette de leur futur bébé. Moi je suis entrée là pour me faire dire qu'il n'y restait plus rien. On a essayé de me faire gober que le fait que je n'aurais pas besoin d'un curetage était une bonne nouvelle...

Par la suite, j'ai tellement cherché à comprendre pourquoi ça m'était arrivé. Est-ce que je ne m'étais pas reposée suffisamment? Est-ce que j'aurais dû mettre des souliers ce matin où je suis sortie en sandales et où j'ai eu froid aux pieds? Est-ce que j'aurais dû aller à l'urgence dès le premier saignement? Est-ce que ça aurait pu être évité?

Et puis surtout... pourquoi la vie me retire-t-elle le privilège accordé?

La plupart des gens autour considèrent une fausse couche comme un petit désagrément de la nature; je l'ai vécu comme un deuil important, un deuil immense à faire. Le deuil de la magie de la nature, le deuil de la facilité, le deuil de cette sensation d'être choyée par la vie. Et bien sûr, le deuil de ce bébé qui pour moi était déjà bien réel, le deuil de la grossesse qui elle aussi était bien réelle et bien amorcée.

Tout ça, c'était il y a deux ans. On a poursuivi les essais. On a pris des pauses. On s'est finalement résolu à consulter, voyant que ça ne fonctionnait pas. Et devant les difficultés que j'éprouve maintenant à retomber enceinte, ma fausse couche me semble encore plus douloureuse: à ce moment-là, je savais bien que c'était une chance d'avoir réussi à tomber enceinte, mais je ne m'imaginais pas que la suite serait aussi difficile, que j'avais été aussi chanceuse, que j'avais gagné à la loterie, quoi...

Suite à ça, l'envie d'un bébé devient complètement complexe, embrouillée, douloureusement tendue. Bien sûr je veux un bébé, mais j'ai horriblement peur de revivre cette fausse couche, cette atroce déception. Bien sûr c'est un bébé que je veux, mais je veux aussi guérir cette immense blessure en menant une grossesse à terme... Je veux cesser la ronde des échecs, je veux réussir moi aussi, ne pas être une laissée pour compte de mère nature! Et donc tout s'entremêle, et ce n'est pas toujours facile de garder le cap.

Il y a vraiment des jours où je me dis que ce serait plus simple de ne pas vouloir d'enfant, de lâcher prise, et de partir faire le tour du monde avec un vélo et un sac-à-dos.

1 commentaire:

  1. Comme je te comprends!!
    Je viens de tomber par hasard sur ton blog et j'ai eu envie de le lire depuis le début car ce que j'avais commencé à lire me pralait beaucoup. Et ce que tu expliques par rapport aux deuils à faire face à une première fc, c'est tout à fait ça.
    Je reviendrai poursuivre ma lecture..
    A bientôt
    Solskenn

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