samedi 19 décembre 2009

Becquer bobo

Bon, je vous fais vite vite un mini compte rendu de là où j'en suis, c'est-à-dire absolument au même point qu'avant. Pas de règles depuis le 22 octobre, et demain, c'est le 20 décembre. J'ai pris le machin truc pour déclencher mes règles, ça doit bien faire deux semaines, et puis voilà, toujours rien. Tant pis. Avec un peu de chance, je les aurai en 2010, ces maudites menstruations!

Mais trève de détails organiques: là n'était pas le but de mon propos aujourd'hui. Je venais écrire avec l'intention de me livrer, ma foi, sur quelque chose de beaucoup plus intime que ce qui (ne) se passe (pas) entre mes deux jambes...

Aujourd'hui, c'est de moi entre les deux oreilles dont il sera question. Ou peut-être que je devrais dire "entre les deux ventricules"...

***

Voilà: ce n'est plus un secret pour personne dans mon entourage: je suis infertile. Je veux un bébé, je veux être maman. En janvier, je "fêterai" mes 3 années d'essais infructueux avec mon partenaire officiel. Presque tout le monde de mon entourage connait ma situation, et jusqu'à présent, je me suis fait un devoir de parler, de dire ce que je vivais, de ne pas rester dans l'isolement avec mon expérience douloureuse. Avec mon tabou.

J'ai été bavarde, j'ai répondu aux questions, aux "comment vont tes hormones", j'ai expliqué aux curieux et aux curieuses, j'ai invité certains et certaines à venir me lire. Parce que je n'avais pas envie que le poids du tabou vienne s'ajouter à ce que je vivais déjà dans ma douleur de ne pas réussir à avoir un enfant. Aussi parce que je me disais que si personne n'en parle jamais, les gens vont continuer à avoir toutes sortes d'idées préconçues stupides à propos de l'infertilité. Des préjugés, des idées toutes faites, des conseils ignorants qui sont ô combien difficiles, douloureux et choquants à recevoir quand on vit l'infertilité. Quand on vit l'infertilité, et qu'on se fait garrocher au visage toutes sortes de trucs par des gens qui... ne passent évidemment pas par là. Je me suis dit que la cause me tenait assez à coeur pour, en quelque sorte, me pseudo-sacrifier, et en parler, même quand au final, ça aurait été plus facile de me taire, de ne pas tout dire sur moi, de mentir quand on me demandait pourquoi je n'avais pas d'enfant.

Eh ben voilà, Noël approche, avec son lot de connaissances qui vous disent encore une fois "On te souhaite le meilleur pour la nouvelle année!", le mot BÉBÉ imprimé dans le front, comme un message subliminal mal camouflé. Avec, aussi, son lot d'occasions de faire du "sôcial", et de parler de façon plus approfondie avec des gens qu'habituellement, on ne fait que côtoyer... Avec bien entendu son lot de partys, de soupers, et de rencontres de famille remplies d'enfants.

Comme tout le monde connaît ma situation, tout le monde veut savoir. "Puis, comment ça se passe?" "Quoi de nouveau?" "Comment ça va avec tes hormones?" "Là, t'es-tu sous traitement hormonal??" . Jeanette veut savoir. Jeanette veut TOUT savoir: le comment, le pourquoi, les détails, toutte le kit.

En général, si Jeanette veut savoir, c'est parce qu'elle s'intéresse à moi. Elle veut me le montrer, démontrer son intérêt pour ma petite personne, et parfois, aussi, en profiter pour montrer aussi qu'elle connaît ça, l'infertilité. Parce que sa belle soeur a fait une fiv. Parce que sa cousine est tombée enceinte quand elle a arrêté d'y penser. Parce qu'elle a déjà fait une fausse couche, et elle insiste: il ne faut pas te décourager, tu vois, moi j'ai eu 2 beaux enfants après.

Bref, je sais bien que toutes les Jeanettes-qui-veulent-savoir du monde entier veulent bien faire.

Mais là, vous savez quoi? Même si elles veulent bien faire, elles me blessent.
C'est pas leur faute, c'est sûr... mais elles me blessent. Quand même.

Et moi, moi qui rushe avec mon pas-de-bébé, avec mon bilan-fausse-couche-version 2009, avec mon cycle qui ne débloque pas, et bien je vais vous dire ce qui se passe entre mes deux oreilles, pour une fois: j'en ai marre, marre, plus que marre de souffrir suite aux commentaires des autres, et par-dessus le marché, de souffrir seule dans ma voiture en revenant chez-moi, en silence, parce que "c'est pas de sa faute", à Jeanette. Elle veut bien faire... je suis pas pour la maltraîter, pauvre elle, elle pourrait être vexée.

J'en ai marre que la première chose que les gens trouvent à me demander quand on se voit soit "Comment va ton traîtement?". J'en ai marre qu'on me demande constamment où j'en suis, qu'est-ce que je fais, comment je vais par rapport à ça. Il me semble que l'équation est plutôt simple à éxécuter: je veux un bébé, ça fait des années que j'attends, c'est long, ça ne vient pas, pis quand ça vient, ça part en fausse-couche douloureuse moralement et physiquement. C'est l'échec, et ça le sera tant que je n'aurai pas un petit chou bien vivant et en santé. Comment ça va par rapport à ça? Mmmh. Plutôt mal, je dirais.

Mais voilà, je suis aussi autre chose, moi, pas qu'une machine à prendre des pilules, pas qu'une fille infertile, pas qu'une paire d'ovaires dysfonctionnels! J'ai une vie, un quotidien, un travail, des activités, des gens que je côtoie, des trucs que j'aime, des envies, des idées. Vous savez, vous avez aussi le droit de me demander si j'aime la lecture, si je fais du sport, si j'aimerais un de ces quatres faire du camping d'hiver, ce que je pense de la limite d'alcool au volant à 0,05% , si j'ai vu Millénium. Pour une fois, je pourrais m'en retourner chez-nous avec de l'enthousiasme et un sourire, plutôt qu'avec des larmes plein les yeux. Avec l'impression d'avoir eu une conversation normale, plutôt qu'avec le feeling que la seule chose qui se passe quand je suis en société, c'est que les gens se relaient pour venir gratter la gale de mon bobo.

Parce que c'est bien ainsi que je me sens: ben oui, c'est une plaie, une douleur, vive parfois, cette foutue infertilité, mais bonyeu, laissez-moi le temps de mettre un plaster dessus. J'ai un bobo, mais je suis capable de fonctionner quand même, de rire, de m'intéresser à plein de trucs, de bouger, d'avancer quand même. J'ai un bobo, mais c'est bizarre, quand j'ai un plaster dessus, il frotte moins sur tout ce qui l'entoure, ça le protège, et on dirait qu'il fait moins mal quand je ne passe pas mon temps à le regarder et à me dire "bordel, j'ai un gros bobo!".

Dernièrement, chaque fois que quelqu'un me parle du bobo en question, ça me ramène à ma douleur, ça me fait à l'intérieur "ah oui, c'est vrai, j'ai ça, c'te bobo là...", ça me fait mal, et puis on enlève le plaster, on constate l'ampleur des dégâts, on gratte un peu la gale, et puis après on me renvoie chez moi en me disant qu'il faut surtout que je reste positive. Et que je n'y pense pas trop.

Euh... c'est parce que... y'aurait pas un message contradictoire là-dedans??

Je suis au point où j'aimerais vraiment que personne ne soit au courant. Que personne ne sache que j'ai fait des fausses couches. Même pas ma famille. Que personne ne soupçonne notre désir d'enfant. Qu'on puisse se soigner tranquilles, juste entre nous, mon chum et moi. Qu'on arrête d'avoir le problème exposé à tous vents. J'ai envie d'inventer de gros mensonges, du genre "je me fais faire la grande opération et on ne veut plus d'enfant, c'est terminé". Du genre "j'ai décidé de me partir un chenil à la place d'une famille". Du genre "c'est décidé, je change de sexe et on devient un couple gai".

Je me trouve complètement nulle de m'être autant ouverte, d'avoir été si translucide, de m'être livrée en pâture comme un bon sujet de conversation dans la basse-cour. Je me trouve stupide.

J'ai oublié de me protéger, de protéger mon bobo. Chaque fois qu'on me l'a demandé, j'ai obéi sagement, et j'ai décollé le plaster, si souvent que la peau sous la colle fait quasiment plus mal que le bobo lui-même. Le fait de me sentir traîtée avec aussi peu de pudeur et de discernement , même si c'est avec de bonne intentions, des fois je me dis que c'est ça qui est le plus difficile. C'est ça qui me fait le plus pleurer. Plus que l'infertilité même.

Alors voilà, c'était mon Oyé Oyé. Fallait que ça sorte. Maintenant, on peut-tu parler d'autre chose? ;-)







5 commentaires:

  1. Bonjour Mayana,

    Je comprend totalement ce que tu vis. C'est pour cette raison que pour la 2ieme prise de tentive essaie bébé, j'ai minimiser le nombre de personne au courant. Ainsi, je n'ai pas les interminable question chaque fois que je cotois les gens. Dans le pire des cas, je te suggère de mentir. Qui est-ce que sa pourras bien déranger? De toute façon l'important est de penser à ta santé mentale. Il ne faut pas que tu te "Sacrifie" comme tu le mentionne pour le besoins de la cause. C'est déjà bien assez difficile comme sa. Nous devrions écrire un livre "Comment agir avec une personne infertile cours 101" LOL

    Finalement je te souhaite un joyeux temps des fêtes. Et je NOUS souhaite un bébé le plus tôt possible pour adoucir notre douleur.

    Adel.

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  2. Salut,

    Si ca peux appaiser la douleur, il ne faut pas oublier qu'en t'ouvrant a nous de cette facon, tu aide beaucoup de gens qui passe par la meme situation et tu en instruit beaucoup d'autre qui n'ont jamais realise "les haut et les bas de l'infertilite". Personnelement, moi, je t'en remercie de ton sacrifice.

    D'une autre part, j'ai un couple d'amis qui a pris 4 ans d'essaie, de traitement et de voodoo mais ils ont desormais 2 belle petite fille nee a 11 mois d'intervale.

    Sur ce, decourage toi pas et bonne annee!

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  3. Merci :)

    Si je peux me permettre de préciser un truc: par l'écrit, ça me fait toujours plaisir de parler de ce que je vis... Je le fais quand j'en ai besoin, quand j'ai un point à apporter, et ça me fait beaucoup de bien. Je m'installe devant mon ordi, je suis dans mon petit cocon, dans ma tête, dans mon intimité, quoi...

    Ce avec quoi j'ai de la difficulté, c'est quand on est dans le quotidien, quand on essaie tout bonnement de faire du "sôcial" léger, et que les gens ne semblent pas réaliser que c'est difficile de toujours se faire dire "Pis, comment vont tes hormones", de se faire ramener à ça tout le temps... Bref, quand c'est "live", face à face, et que ce n'est pas moi qui décide du moment approprié pour parler de ce truc... c'est plus ça qui me dérange.

    Conclusion: je n'arrêterai pas d'écrire de sitôt :) ... mais de parler, ah la, peut-être!!

    Merci pour les commentaires et bonne année!
    xx

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  4. J'ai tout lu, depuis le début, avec parfois la bizarre impression de lire ma propre histoire, même si c'est tout de même différent. Je me reconnais dans tes écrits, je retourne en arrière et retrouve toutes ces émotions contradictoires, cette rage mêlée d'espoir, cette impatience teintée de résignation.

    J'étais comme toi, je n'aimais pas en parler, à moins que ça vienne de moi. Je n'aimais pas me faire poser des questions, je ne voulais pas me sentir prise au dépourvu et dire des choses que j'aurais préféré garder pour moi.

    Bonne année 2010 et j'espère, sincèrement, que cette année sera celle où tu deviendras maman!

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  5. Salut Kiwi,

    J'ai aussi parcouru ton blog, et ça me fait bien plaisir que tu aies pris le temps de venir me lire :-)

    Tu résumes très bien la situation quand tu dis "Je ne voulais pas me sentir prise au dépourvu et dire des choses que j'aurais préféré garder pour moi", c'est vraiment ça... Quand on nous pose une question, personnellement je trouve ça plutôt difficile de simplement dire "Je ne veux pas en parler"... Bonjour malaise!

    Bref, bonne année 2010 à toi aussi, merci pour tes voeux :-), et au plaisir de te relire!

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