lundi 19 avril 2010

Break time

"Et vous, vous avez des enfants?"

"Euh.. non."

"Est-ce que vous en voulez?"

"Ouin.. oui oui."

"Un jour, hein..."

***

Celle qui me pose LA question, c'est une vieille dame, en fait il s'agit de l'arrière grand-mère de mon filleul. Je n'ose évidemment pas lui déballer mon sac d'infertile, elle veut juste bien faire et faire un peu la conversation puisqu'on ne se connaît pas...

Ça se passait samedi.
Samedi, jour du baptême de mon filleul, jour passé à célébrer avec d'autres l'arrivée d'un beau bébé tout neuf, et pour moi, jour 1, jour de déception, jour de "ça n'a pas encore marché", jour de "coudonc c'est quoi le problème", jour de "est-ce que je vais pouvoir vivre ce bonheur là un jour moi aussi?", jour de "pourquoi moi? pourquoi la vie me punit?", et surtout, jour de "je suis plus capable de faire semblant".

Après que la mamie en question m'ait posé ses questions, je suis venue les yeux pleins d'eau, et je suis partie rejoindre mon homme, qui était au sous-sol avec les autres gars. En général, dans ce genre de réunion, c'est ce que je préfère: j'aime mieux les entendre parler de guitare et de bands obscurs qu'être avec les filles pour qui les conversations préférées sont remplies de gaga-gougous, d'idées déco pour la chambre du petit, d'âges en semaines, de céréales et de purées. C'est comme ça: je veux être maman moi aussi, mais je me sens tellement exclue dans ces circonstances-là... et puis je me plais un peu à penser qu'après tout, j'ai un surplus de testostérone qui fait un peu de moi une "tomboy" dans l'âme... :-)

Bref, je suis allée retrouver mon chum. On a parlé un peu en privé, j'ai versé quelques larmes, puis comme tout le monde remontait en haut pour la bouffe, je suis retournée faire semblant. En mangeant, ce sera plus facile de faire comme si, que je me suis dit. Comme si tout était correct. Comme si j'avais le coeur à la fête. Comme si je n'avais pas l'impression d'avoir été choisie pour marraine un peu parce que "je fais pitié". Bref, idées noires à la tonne.

Puis mal de ventre, évidemment. Puis début de règles qui s'arrête, évidemment aussi. Suivi de près par plein de "peut-être que", des histoires de règles anniversaires, des histoires de "tout d'un coup que ce n'était que du spotting??" .

Et puis évidemment non, accroires et histoires rapidement démolies par le retour en force des règles. Re-déception immense, encore plus forte que la première. Dur dur de vivre tout ça quand on est avec plein de gens et que c'est sensé être un événement familial heureux. Honnêtement, j'avais juste le goût d'être toute seule à maudire le ciel de me faire vivre ça. Et en même temps, je me sentais terriblement coupable et déçue de ne pas me sentir disponible pour vivre la journée de baptême du petit avec les autres, dans le plaisir et le bonheur, comme il se doit. J'ai le don d'être off-beat, des fois...

***

Dimanche, j'ai pu passer la journée bien seule chez-moi. Paralysée par mes crampes, je n'ai presque pas bougé du lit. J'ai écouté des insignifiances à la télé, ça fait du bien. J'ai lu des trucs sur l'adoption. J'ai pleuré, j'ai ragé, je me suis dit que bordel, je suis quand même déjà tombé enceinte naturellement... comment ça se fait que ça ne fonctionne pas même si on a pris tout ce temps pour finalement régler mon maudit problème d'ovulation? Est-ce que je vais être une de celle qui sera en fin de compte confrontée à l'inexplicable? Est-ce qu'on pourra dire que notre infertilité est en quelque sorte inexpliquée, finalement? Je ne veux pas ça!! Depuis le tout début du processus, je me rassure continuellement en me disant: au moins, je suis chanceuse: je sais ce que j'ai. Et les médecins connaissent bien ma situation. En plus on est déjà tombés "enceints" tout seuls, par deux fois...On est dans du connu, tout va bien aller. Mais là, si j'ovule et qu'il ne se passe rien, on va faire quoi?

Bon, je sais, j'ai un peu laissé libre cours à la panique. Après tout, ce n'est que la deuxième fois que j'ovule sous sérophène... Mais j'ai pris cette déception là plus difficilement que la première. La première fois, ça ne regardait pas pour que j'aie une ovulation, et on se sentait acculés au pied du mur, on s'était fait dire que le sérophène semblait ne pas fonctionner pour moi, et qu'il faudrait revoir le médecin pour voir quelles seraient les options qui s'offraient à nous. Et finalement, cadeau du ciel, à la dernière écho un peu tardive, un beau follicule tout prêt!! On était aux anges, cette simple potentielle ovulation venait de me faire crier euréka: euréka on a trouvé le traitement qui va peut-être marcher, euréka on va avoir des ovulations "normales", euréka on sort un peu de l'expérimentation, de l'enquête, du taponnage et de l'essayage de produits sans succès. On a la formule, le produit, la dose, et surtout, un résultat. Bref, juste d'ovuler, j'étais folle comme d'la marde.

Après, que je ne sois pas tombée enceinte, c'était un peu décevant, c'est sûr, parce que j'aimerais bien à chaque fois que le petit miracle se produise... j'aimerais surtout réparer toutes ces injustices subies en me disant que telle affaire ou telle autre aura fonctionné du premier coup au moins. Bref, j'aimerais me sentir chanceuse, choisie, pour une fois, plutôt que d'avoir l'impression d'être éternellement celle qui attend d'être choisie et dont personne ne veut pour son équipe de ballon chasseur.

Mais bon, malgré cette fantaisie de vivre une chance pour une fois, je me disais: si ça ne marche pas du premier coup, c'est quand même normal. Statistiquement, je veux dire... Bref, j'étais déçue, mais dans une mesure raisonnable. Et puis qui dit jour 1 dit début de cycle, et nouveau cycle d'essai à préparer... et nouvel espoir pour bientôt. Je me souviens que je trouvais que ça se passait très vite, et je me sentais complètement dépassée par les événements, mais en même temps, ça m'aidait à focuser sur ce qui s'en venait plutôt que sur ma déception.

Mais là...
Là je me disais que ça aurait été raisonnable que ça fonctionne, la deuxième fois. Je ne sais pas pourquoi j'avais ça en tête. Parce que ce n'était plus la première fois, bêtement. Parce que mon follicule était bien plus gros que la première fois, et était prêt bien plus tôt que la première fois aussi, je me disais que j'avais un genre de super-ovule. Qu'il y avait peut-être plus de chances...

Et le fait que ça ne fonctionne pas alors que tout est là, prêt, contrôlé, en santé, et bien... je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi. Ça me ramène, finalement, à cette partie inexplicable de l'infertilité, à ce pourquoi moi qui fait si mal et qui ne trouvera sans doute jamais de réponse.

On s'est penché sur l'adoption, ensemble. On en a parlé. On est favorables à ça, mais ce n'est pas quelque chose qui se décide une fois, comme ça, sur un coup de tête. Tranquillement, l'idée commence à faire son chemin. On verra. Peut-être que ça sera ça finalement. Chaque fois que j'y pense, je ne peux m'empêcher de songer au fait que la seule poupée avec laquelle j'ai vraiment aimé catiner quand j'étais petite, c'était une poupée noire avec un petit pyjama de toutes les couleurs...

Pour le moment, il nous reste une prescription de sérophène. Et on ne la prendra pas tout de suite. J'en ai marre d'être sur les hormones, j'en ai marre de ne pas me sentir moi-même, de me checker, de ne pas boire, d'être plus catholique que le pape, de faire attention pour ne pas me fatiguer, m'énerver, me stresser. C'est la fin de session qui arrive, et je sais d'avance que je serai fatiguée, énervée, stressée, et que d'avoir à gérer mes hormones, mes espoirs et mes déceptions par-dessus tout ça ne ferait qu'en ajouter. Et si ça ne marchait pas, je sais trop que je me sentirais coupable: j'aurais l'impression que c'est la faute au stress... Bon, d'autant plus que mon ovulation tomberait probablement dans le week-end le plus occupé de l'année, je ne serai même pas à la maison avec mon chum...

Alors voilà: tant qu'à gaspiller un cycle, on se prend un cycle de break. Ça va me permettre de me refaire une santé mentale, de me concentrer sur mon travail sans me sentir coupable, et de ramasser un peu mes sous pour la prochaine fois. Bon, ça coûte pas des millions, mais ça fait quand même un trou dans le budget, à la longue...

Le break, ça compense un peu les petits malheurs, parce que juste à y penser, je respire déjà mieux. Je vais revoir une psy et lui parler à elle de tous mes tourments concernant l'infertilité. Avec mon chum, on s'est entendus pour ne plus en parler pendant le break. Pas trop du moins. Ni des traitements, ni de l'adoption. Je pense qu'on a comme besoin de faire au moins semblant d'avoir une vie normale.

Et puis à part de ça, je vais me sentir mieux physiquement, plus libre, moins épuisée par les médicaments... Je vais pouvoir prendre un verre à mon souper de vendredi, tiens!! Je ne vais pas calculer, compter les jours, checker ma glaire tout le temps, être toujours à l'affut des moindres sensations dans mon bas-ventre, être stressée d'être menstruée, me demander si on a baisé correctement, suffisamment, au bon moment.... Ouf!! Ça va faire de la place dans mon cerveau pour plein de trucs plus amusants: créer, bouger, profiter du printemps et de mes amis, rêver à mes vacances d'été et à nos randonnées de kayak à venir.

Mmmh. J'ai déjà pensé au fait que je pourrais y prendre goût. Je pourrais avoir envie d'attendre à l'automne avant de reprendre du sérophène. Des fois ça me fait peur, je me dis que je pourrais ne jamais avoir envie de recommencer tout ça... mais en même temps, je sais bien que ça va finir par me reprendre. Suffira que je croise une poussette sur la piste cyclable...

2 commentaires:

  1. Salut Mayana!!

    Je suis désolé pour toi que sa n'est pas fonctionner... Et je comprend tellement ta déception.

    Par contre, je vais garder de l'espoir pour toi... parce que je suis certaine que se sera bientôt pour toi un beau +. Tu ovule... il ne faut pas l'oublier et tout est beau pour ton chum. Comme tu dit tu est déjà tomber enceinte. Faut pas oublier le dicton hein. Jamais 2 sans 3 ;)

    Garde espoir ma belle... je compatis avec toi et espère de tout mon coeur que tu auras ce que tu souhaite bientot. Je crois que c'est une bonne idée pour toi de prendre un break à l'occasion, car les médicaments et la pression est très difficile à supporter. Sa t'aidera à souffler un peu :)

    J'espère avoir de tes nouvelles bientôt

    Adel
    xxx

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  2. Merci Adel,

    C'est clair qu'une pause me fera du bien, en fait c'est fou mais juste à l'idée d'être "normale" pour au moins un mois, et peut-être pour plus longtemps, je me sens déjà mieux, comme libérée. Au début j'avais toujours de la misère à prendre des breaks, j'avais l'impression que c'était du temps perdu, mais là, maintenant, je vois trop combien c'est nécessaire, et surtout je sais bien qu'après le break je serai prête à recommencer avec plus d'enthousiasme et une attitude plus positive.

    A bienôt!
    Mayana xx

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